Cinéma : Elle l’Adore, de Jeanne Herry

Etant donné que l’histoire ménage son lot de surprises – qui, une fois n’est pas coutume, se tiennent et ne sont pas gratuites -, je ne raconterai que le début de ce film français, sorti mercredi dernier. Muriel Bayen (Sandrine Kiberlain) est esthéticienne, divorcée et mère de deux enfants dont le père a la garde. Elle est aussi, depuis son adolescence, la fan numéro un de Vincent Lacroix (joué par Laurent Lafitte), un chanteur beau gosse « ayant réussi à ne pas s’aliéner le public masculin » (dixit Michel Drucker, guest star du film). Tellement habituée du premier rang de ses concerts que le staff du chanteur la connaît et la salue familièrement. Un gars de la sécurité s’excuse de ne pas pouvoir la laisser passer en coulisses « ce soir » à cause de l’affluence. Ca nous change un peu : Jeanne Herry, la réalisatrice et scénariste, nous dépeint une fan certes très assidue, mais ni hystérique, ni complètement paumée. Elle semble juste chercher à ajouter un peu de fantaisie à sa vie, soit par l’intermédiaire de Vincent Lacroix, soit en racontant des histoires à dormir debout à son entourage désabusé, des histoires sans rapport avec lui mais plus avec sa vie réelle.

Affiche Elle l'adore

Un soir, la réalité dépasse la fiction : son idole sonne à sa porte. Pas pour s’offrir un extra façon groupie : il a un service à lui demander. Il ne lui explique pas tout de suite, mais il a tué sa femme accidentellement, et plutôt que d’affronter les conséquences, il a concocté un plan pour faire disparaître son cadavre. Le-dit plan implique qu’une personne emmène le corps loin de Paris, et pour cela, il a jeté son dévolu sur Muriel. Sans lui dire ce qu’il transfère dans le coffre de sa voiture, ni pourquoi il faut qu’elle conduise la voiture jusqu’en Suisse chez sa soeur. Trop contente de pouvoir lui être enfin utile, Muriel insiste pour l’aider. La suite, je vous la laisse découvrir.

Cela peut sembler étrange de se fier ainsi à une quasi-inconnue, mais c’est une bonne idée – d’un point de vue de meurtrier pris au dépourvu – : la fan est extérieure à sa vie donc peu susceptible d’être soupçonnée par la police, tout en étant, a priori, assez attachée à lui pour lui rendre service sans poser de question.

Franchement, c’est même une tellement bonne idée que je regrette de ne pas l’avoir eue pour un thriller. Et je me demande aussi si Jeanne Herry a inventé ce postulat, ou si un chanteur a déjà recouru à ce stratagème pour se tirer d’un mauvais pas. Ca me donne envie de chercher. D’autant que Jeanne Herry a de bonnes raisons de connaître l’envers du décor et de le rendre crédible dans son film : elle est la fille de Miou-Miou et de Julien Clerc. Mais j’ai l’esprit mal tourné.

Vu que je me passionne pour le thème des rapports entre fans et artistes, je ne pouvais pas ne pas aller voir ce film. Dans mes recherches sur le sujet, je vous avouerai que je me suis cognée un ou deux navets (surtout français). J’ai le plaisir de signaler que Elle l’adore, au contraire, fait partie de ces rares films qui ont tout : un scénario au cordeau empreint de réalisme, même si le postulat de départ est assez farfelu. Des personnages justes et décrits finement, y compris les seconds rôles. Une interprétation sobre et parfaitement adaptée aux différents tons qui se mêlent : comédie, drame, enquête policière…

J’ai particulièrement apprécié la subtilité avec laquelle sont introduits des éléments utiles à l’histoire et à la construction des personnages. Un exemple : sur un plan où on sonne à la porte de chez Muriel, on voit à côté de la porte, sur la commode, des photos de ses enfants et ce qui ressemble fort à une urne funéraire… Ses enfants, on les a vus en ouverture du film. L’urne trouvera son explication (probable, car le sujet ne sera pas abordé frontalement) plusieurs minutes plus tard, au détour d’une conversation. En tout cas, on a échappé au gros plan ostentatoire, et rien n’est inutile.

Tout le reste du film est au diapason. Un échange de Muriel avec sa fille donne une clé de son comportement. Comme ça, en passant. Pas de pathos, pas de psychologisation à outrance. Muriel est normale. Elle a quelques faiblesses, quelques moments d’égarement. Vincent Lacroix aussi, chez qui l’aspect le moins normal sera finalement sa décision de cacher la mort de sa femme à tout prix.

Les dialogues sont un autre point fort. Malgré le sujet dramatique, on a ri et souri plusieurs fois dans la salle. Je pense me souvenir longtemps du turbot et du peigne de Tina Turner… (deux scènes différentes, je précise). Un auteur à suivre.

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