Suite et fin (comment ça, « enfin! » ?…) de mon itinéraire de fan gâtée. Enfin, côté musique et gens qui existent, en tout cas.
Episode 1.
Episode 2.
Episode 3.
4) Le creux de la vague
Certains artistes préfèrent laisser parler leur art, et des fois je suis d’accord avec eux : c’est souvent plus intéressant que le reste. Je me souviens en particulier d’un musicien avec qui mes 3 tentatives de conversation ont fini autour de l’alcool au bout de 2 phrases. La première fois, il m’a dit « Désolé, je ne peux pas parler français quand je suis bourré » au bout de 2 phrases (il aurait parlé en anglais, ça m’aurait convenu, mais les étrangers adooooorent les Françaises. Et puis j’étais habillée en punkette goth-rock en mini-short et bas résilles ce soir-là. Ca marche vachement mieux que le look BCBG ou normcore pour engager la conversation avec des musiciens, j’ai remarqué).
La seconde fois, je lui demandais pourquoi il gardait ses lunettes noires en dédicace, il m’a répondu que c’était parce qu’il avait la gueule de bois.
Et la 3e, je l’ai questionné sur un de ses tatouages, et il m’a raconté une anecdote à base d’alcool dont j’ai oublié le détail, quelque chose comme « Je l’avais fait faire un jour où j’étais bourré il y a longtemps, et je suis allée le faire redessiner l’an dernier ».
… Je n’ai rien contre les gens qui boivent de l’alcool de façon récréative, comme on dit en anglais, mais quand ça en arrive à infiltrer (imbiber, plutôt…) toutes les conversations au bout de 2 phrases, c’est de l’alcoolisme, hein. Ou alors c’est qu’ils pensent que ça donne l’air cool de brandir leurs beuveries en étendard. La mentalité de lycéen « je suis trop un rebelz moi, tavu je suis un grand je bois! », ça passe encore quand tu as 20 piges, en tout cas c’est compréhensible, mais le mec en question en avait 30 et quelques. Passé 25 ans, je trouve ça plutôt pathétique personnellement, comme toutes les manifestations forcées de coolitude. D’ailleurs la dernière personne à m’avoir abordée par une phrase de ce genre, c’était un clodo qui avait l’air de ne pas avoir consommé que de l’alcool.
Du coup, ça avait mis fin à la conversation, parce que je ne voyais pas comment embrayer là-dessus. Et il n’a pas insisté (sauf la fois où j’étais en mini-short, mais perso après une remarque pareille j’ai juste envie de répondre « Ok, ben décuve bien alors, ciao »).
Et puis quand je vois le plaisir que d’autres fans prennent à ces interactions, avec leurs yeux qui brillent, les mains moites et les pieds poites, je me demande ce que je fous là je repense à des occasions de rencontres qui m’importaient à l’époque, et que je me suis faite « piquer » par des gens qui n’en avaient rien à cirer.
Par exemple, des places en dédicace au dernier salon Manga où je suis allée avant le dernier Japan Expo, il y a des lustres. A l’époque, elles étaient elles aussi tirées au sort sur les numéros de billet de TOUS les présents. Même pas un « vous mettez un billet dans l’urne si vous êtes intéressé par tel auteur et on tirera au sort », non non, PAF, parmi tous les N° de tickets d’entrée de la journée. Et où j’ai entendu un gars devant moi dire qu’il avait gagné mais qu’il ne savait pas qui était le dessinateur, alors que c’était LE chara designer mythique de toutes les séries qui m’avaient fait rêver, Shingo Araki, une des raisons de ma présence à ce festival. J’aurais dû assommer cette andouille et lui piquer son billet gagnant, tiens.
Plus tard, lors d’une convention, il y eut un petit déjeuner VIP avec les acteurs de la série Buffy, dont les places étaient tirées au sort (équitable me direz-vous…). Un des gagnants fut un mari qui n’y connaissait rien et était juste venu à la convention pour tenir compagnie à sa femme… Et un couple qui n’y est pas allé, parce qu’ils sont partis avant le tirage au sort (qui avait lieu tard le soir pour le lendemain matin, c’était mal organisé COMME D’HABITUDE), car ils étaient rentrés coucher leur fils. Ils n’ont su qu’ils avaient gagné que le lendemain en revenant à la convention. Après le petit déj donc. Qu’ils ont loupé. Bordayl de mayrde.
Remarquez bien, vu les échos que j’en ai eus, James a surtout causé avec le mari non-fan, qui était le seul autre homme que lui à la table, donc sans doute que j’aurais été quelque peu contrariée si j’avais assisté au petit déjeuner. Ah oui, et le plus « drôle » c’est que l’organisatrice m’avait demandé de façon impromptue de procéder au tirage au sort d’un des tickets gagnants (pour prouver que le tirage n’était pas truqué, en faisant choisir les billets par des » mains innocentes » choisies au pif dans le public). Je. Mais.
Je repense aussi aux occasions que je me suis faite piquer par des gens prêts à tout pour leurs 5 secondes d’attention. Comme le grand vent nordique que je me suis pris après un concert à Oslo, alors que Morten Harket dédicaçait devant nous, quand une fan a déboulé de derrière tout le monde pour l’interpeller, et que Morten lui a répondu à elle en oubliant la question que je venais de lui poser, parce qu’il l’avait reconnue. Non mais si t’en as autant rien à foutre de ma gueule et qu’il faut une carte de fidélité pour avoir droit à 3 mots, je ne vais pas perdre 3h de ma vie pour un autographe la fois prochaine, hein. (D’ailleurs celui-là, je l’ai donné à quelqu’un pour qui ça signifiait plus)
C’est un peu ma spécialité, d’ailleurs, les vents. Je me fais régulièrement zapper, du fait que j’ai du mal à être démonstrative parce que j’ai peur de déranger – ou de faire flipper les artistes habitués aux fans hystériques -. Ou parce qu’au lieu de m’imposer, j’attends poliment que les gens avant moi aient fini (mes parents m’ont bien élevée, hélas. C’est un handicap de tous les jours). Du coup, les artistes ne se rendent parfois pas compte que je suis fan. Tu crois que je plantonne comme une conne dans un bar vide / devant un hôtel de luxe parce que j’attends le bus?… Ou que je suis call-girl, peut-être? Désolée hein, si je ne suis pas du genre ni à m’écrire le nom du groupe au feutre sur le front, ni à hurler comme un cochon qu’on égorge à la vue d’une mèche de cheveux…
Il faut des artistes particulièrement attentifs et doués dans l’interaction avec leur public pour éviter ça (genre Bill Kaulitz, qui du haut de ses 18 ans tout juste la première fois que je l’ai eu en face de moi, a demandé un feutre à son garde du corps pour me signer un autographe, parce que décidément je me mélangeais trop les pattes pour retrouver le mien au fond de mon sac. Et il avait à peine l’air de me trouver pénible. La patience de ce garçon, c’est hallucinant… Et l’organisation teutonne du garde du corps aussi).
(la photo ci-dessous ne date pas de ce jour-là. Vu que je n’arrivais ni à retrouver mon feutre, ni à désactiver le flash sur mon appareil photo, donc je n’ai pas immortalisé ce moment. C’est dommage, il était über-chou avec ses cheveux aplatis sous sa casquette, ce jour-là. Et très poli. Vive les professionnels).

Le bon ouvrier a de bons outils
Remarquez, j’en distribue aussi pas mal, des vents. Pas toujours exprès. Mais parfois si. Parce que je peux être très sympa, mais j’ai horreur qu’on me prenne pour une gourde. Et je ne sais pas pourquoi, j’ai souvent l’impression qu’en tant que fans, on nous prend collectivement et individuellement pour des gourdes (surtout les fans du sexe féminin, cf les anecdotes précédentes).
Je n’ai plus la patience, plus l’envie. Quitte à vivre un grand moment de solitude, je préfère celui qui suit un concert quand la musique s’est tue et qu’on rentre chez soi, à celui d’avoir un « échange » inconfortable avec Artiste devant 15 à 50 fans. Il y a moins de témoins, ça coûte moins cher, et au moins chez moi, je peux prolonger le concert en visionnant mes photos et vidéos. Notez que le souvenir de mes ratages conversationnels avec certains artistes me hante aussi, même sans vidéo, mais bon…
Je ne dirais pas que je laisse la place par pure bonté d’âme à celles qui en rêvent maintenant, mais si je ne dois rien en tirer ou presque, j’ai mieux à faire de mon temps et de mon énergie que me battre contre la cohorte de volontaires. Surtout si ça coûte un bras, avec lequel je peux me payer un ou deux concerts de plus, déplacement et hôtel compris, choses que je préfère à tout prendre (ou un soundcheck. C’est cool, les soundcheck). Je préfère payer pour gagner du temps, à choisir (dans la file d’attente par exemple).
(on est bien d’accord que je ne parle là QUE des meets&greet et autres photos, autographes etc. La première qui essaie de me passer devant ou de me boucher la vue à un concert, je la mawashi-gerite, je m’essuie les pieds sur sa gueule et ensuite je balance sa dépouille dans la Deûle. Avec une grosse pierre pour lester).
C’est pas mal, notez, hein. En fait, j’y prends goût. Ca fait gagner du temps avant et après les concerts, on ne poireaute pas à attendre à la sortie des artistes, on ne s’assied pas sur son amour-propre pour quémander une miette d’intérêt intéressé (« soyons sympas avec les fans, ils achètent nos disques. Enfin j’espère qu’ils les achètent et qu’ils ne les piratent pas »). D’autant que je risque d’avoir le vertige si je m’assois sur mon amour-propre, car comme j’en ai beaucoup, il me fait un tabouret de bar très haut (et légèrement bancal, comme ceux du Chacha-club).
5) Conclusion
Donc voilà, ma fan-attitude suit une courbe de Gauss :
j’ai commencé fan distante à n’aimer que les disques, sans souhaiter rencontrer les artistes ni même les voir sur scène.
J’ai fait ma groupie tardivement en allant jusqu’à payer ou plantonner devant des hôtels pour des autographes.
Maintenant j’ai toujours le goût de la scène et des voyages pour aller voir des concerts, mais j’ai perdu celui de vouloir interagir avec les artistes hors de la scène.
Et vue la galère pour avoir des places correctes aux concerts, et comment je supporte mal les guéguerres de fans et les « inconvénients du direct » des artistes irréguliers, je commence même à me demander si je ne vais pas en revenir à écouter des lives depuis chez moi…
P.S. : si je m’en tiens à mes expériences fanesques passées et à mon esprit de contradiction (meine beste Sünde), d’ici 6 mois j’aurai vendu un rein pour aller boire un verre backstage avec Bill Kaulitz et ses potes, ou mon nouveau fandom du moment.
Si c’est le cas, c’est juste que je croyais que c’était une courbe de Gauss, alors que c’était en fait un drolumadaire à deux bosses. Mais d’ici, au bas de la courbe, ce n’est pas flagrant.
Tout le monde peut se tromper, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, souvent femme varie, bien fol est qui s’y fie, it’s my life…
« on nous prend collectivement et individuellement pour des gourdes (surtout les fans du sexe féminin, cf les anecdotes précédentes). » et « Je me fais régulièrement zapper, du fait que j’ai du mal à être démonstrative parce que j’ai peur de déranger – ou de faire flipper les artistes habitués aux fans hystériques -. Ou parce qu’au lieu de m’imposer, j’attends poliment que les gens avant moi aient fini (mes parents m’ont bien élevée, hélas. C’est un handicap de tous les jours) » => Outre le reste de l’article qui m’a faite sourire en évoquant chez moi un certain « déjà vu », je suis particulièrement d’accord avec ces deux sentences.
Et pour illustrer la conclusion de ton article, j’ajouterais cette citation trouvée par hasard » I didn’t choose the fandom life. The fandom life grabbed me by the hand and said : Run ! »
Effectivement, citation hautement appropriée.
Oui, le milieu des fans est très compétitif, en gros si tu es bien élevé et pas excessif, ce n’est jamais toi qui pourra approcher les artistes (ou alors ils ne se souviennent pas de toi). Moralité ils s’habituent à ce que les fans soient des hystériques, des nymphomanes ou des monomaniaques… mais c’est en grande partie parce que 1) ce sont les seules qui les marque et 2) dans la plupart des cas ce sont les seules qui arrivent à les approcher…
Donc bon… Maintenant j’ai zéro état d’âme 😛
Enfin plus exactement : si je reste mesurée, c’est par amour-propre, plus par égard.
Ping : Fandom : ma fan-attitude suit une courbe de Gauss (5) : la rechute | Fan Actuel
Ping : Babymetal : l’intimité à cinq (plus trois. Voire plus sept) | Fan Actuel