Cinéma : The September Issue 

The September Issue, c’est le numéro de septembre, le plus important de l’année pour le magazine Vogue : celui qui va décider des tendances de l’année, pour les femmes américaines (1 sur 10 lit ce numéro) mais aussi pour le reste du monde. Si Vogue US promeut que cet hiver, la veste est de retour, elle sera de retour.

En 2006, Le Diable s’habille en Prada nous faisait détester Miranda Priestly, largement inspirée d’Anna Wintour, rédactrice en chef du Vogue US depuis 1988. Le film avec Meryl Streep est adapté du roman éponyme écrit par Lauren Weisberger, qui fut l’assistante d’Anna Wintour. Elle nie que ce soit un roman à clé sur cette expérience, mais sa Miranda a beaucoup de points communs avec l’image que se font les gens d’Anna Wintour.

En 2009, ce documentaire de R. J. Cutler nous la fait aimer.

the september issue

Anna Wintour a de nombreux surnoms, et la plupart mettent en avant son emprise sur le monde de la mode, qui s’étend bien au-delà de son magazine. Dans ce documentaire et ses suppléments, on la voit conseiller un jeune créateur comme consultant à une marque de prêt-à-porter espagnole qui en cherchait un. Des gens de l’Oréal viennent la prier de demander à des créateurs de créer une robe portant le même nom que leur futur nouveau rouge à lèvres. Ou mieux, lors de la réunion des annonceurs au Ritz de Paris, le PDG de la chaîne de grands magasins Neiman Marcus lui demande de parler aux créateurs de leurs délais d’approvisionnement (et de fabrication) trop longs, qui font qu’ils n’ont pas les vêtements en magasin au moment où Vogue en fait la publicité. Elle en sourit, arguant qu’elle ne peut pas conduire les camions, mais le message passe. Elle et son staff préparent aussi le programme de leurs articles sur les candidats à la présidentielle américaine, et s’ils se demandent s’ils pourront être accusés de favoritisme, le fait est que le poids du magazine le rend influent.

Anna Wintour a aussi une réputation de froideur et de ne jamais sourire. Pourtant, dans ce documentaire, elle sourit souvent, se montre encourageante auprès de jeunes créateurs (qui sont très nerveux en sa présence). Elle se confie aussi un peu. Son père était un journaliste britannique connu et respecté. Ses frères et soeurs travaillent dans le droit ou l’humanitaire, et elle dit qu’ils doivent trouver son travail futile. Sa fille a elle aussi choisi le droit au lieu de suivre ses traces, ce qu’elle semble regretter.

Anna Wintour anim

Bien sûr, le film ne cache pas qu’elle a effectivement le dernier mot sur ce que contient le magazine, sabrant dans les résultats des coûteuses séances photos si elle ne trouve pas l’ensemble cohérent. Ses décisions semblent arbitraires à ses collaborateurs, et elle ne mâche pas ses mots.

Le documentaire nous montre d’ailleurs aussi le travail de ses collaborateurs, parmi lesquels André Leon Talley, rédacteur extravagant à la personnalité aussi king size que le physique (il doit faire pas loin de 2m et n’a pas la taille mannequin), et surtout la talentueuse Grace Coddington, ex-mannequin, qui conçoit la plupart des photoshoots de Vogue depuis une vingtaine d’années. Un motif récurrent du documentaire est l’élimination progressive par Anna Wintour des clichés préférés de Grace de la maquette du numéro de septembre. Quand on voit les clichés refusés, d’ailleurs, on a envie de demander à un éditeur de les publier dans un beau livre…

Dans les suppléments, le réalisateur confesse qu’il ne fait pas partie du monde de la mode mais que c’était un avantage, car il a pu faire le portrait d’enjeux réels sans être ébloui par la gloire de tel ou tel. Pour lui, ce documentaire est avant tout un film sur le travail, et sur la relation entre Anna Wintour et Grace Coddington. C’est une bonne description. Même si vous ne raffolez pas de la mode, vous apprendrez des choses en regardant ce documentaire. Et si vous vous y intéressez un tant soit peu, vous serez ravi d’y voir créateurs et rédacteurs en coulisses.

Petit bémol: les sous-titres parfois approximatifs dans les suppléments. Karl Lagerfeld dit à Anna qu’il faudrait ouvrir une boutique spéciale pour éviter aux gens qui paient le prix fort croisent ceux achètent en soldes, et que les soldes c’est dégradant. Toute la tirade traduit »sales » par ventes au lieu de soldes…