Fan-fiction Dragonlance : L’appel des ténèbres (4/4)

Chapitre 4

Quelques mois à peine après son arrivée, les couloirs bruissaient d’agitation. En ce jour, une Epreuve aurait lieu. Habituellement, tous les apprentis, et sauf exception les Mages eux-mêmes, se souvenant de leur propre examen de passage, priaient chacun la lune de leur ordre de protéger celui qui risquait sa vie pour obtenir plus de pouvoir. Cette fois les paris circulaient à voix basse entre apprentis, et la plupart espéraient la défaite -la mort- du candidat. Cela n’étonnait plus Dalamar. Non plus que la présence insolite d’un étranger dans la Tour en un jour si spécial, où d’ordinaire l’accès en était plus protégé encore.

Le candidat de l’Epreuve du jour était le jeune homme en Robe Rouge qui avait accueilli, plutôt mal, Dalamar à son arrivée. L’elfe noir avait fini par comprendre d’une part que c’était Galathus qui aurait dû s’en charger, d’autre part que celui-ci s’était déchargé de sa tâche sur un apprenti en noir, Jalenth. Lequel, à son tour, peu enthousiaste à l’idée d’écarter les esprits gardiens du Bois de Wayreth, avait confié la corvée de ramener le nouveau au jeune homme en Robe Rouge. Il n’était pas étonnant dans ces conditions que celui-ci n’ait pas été aimable. Non qu’il le soit beaucoup plus au naturel, comme Dalamar avait ensuite eu l’occasion de le constater.

Avec amusement et perplexité, Dalamar avait laissé croire à Ladonna que Galathus était celui qui avait commencé à guérir sa blessure, faisant ainsi de lui son débiteur. Il s’était de même attaché la loyauté de Jalenth en ne révélant pas à Galathus que ce n’était pas lui qui était allé le chercher et le soigner. Il lui semblait que le Robe Rouge se souciait peu de se vanter de ses prouesses ou de prendre part aux mesquines manoeuvres intestines des mages et apprentis, donc il n’avait expliqué à personne le réel déroulement des événements.

A présent, dans une ambiance tendue, les résidents de la Tour attendaient avec angoisse le résultat de l’Epreuve. Seulement cette fois, la plupart d’entre eux espéraient que le candidat échouerait. L’Epreuve se déroulait au sommet de la Tour, protégé par de puissants champs magiques contre les possibles répercussions du combat. Des grondements sourds et des vagues d’énergie magique ébranlaient l’air.

Finalement, le bruit et la tension décrurent brutalement. L’étranger reparut, escorté par Par-Salian et suivi des mages constituant le jury. L’étranger tenait dans ses bras musclés une silhouette inerte donc un bras pendait vers le sol, couvert de brûlures. Un murmure nerveux parcourut les mages et apprentis assemblés quand il déposa son fardeau sur un lit jailli de nulle part, sur un geste de Par-Salian. Dalamar nota que le guerrier, pourtant jeune et solidement bâti, tremblait comme une feuille, et il se demanda ce qu’il avait vu de l’Epreuve. Par-Salian contempla un instant le corps à demi disloqué, dans sa Robe Rouge déchirée et brûlée, puis il se retourna comme à regret vers l’assistance et prit la parole.

 » Mes amis… Il a réussi l’Epreuve. A condition qu’il se remette. Il y a pourtant un mort à pleurer… Eylindas. Un sort… Lui a été renvoyé. Aujourd’hui nous pleurerons la mort d’un Maître. »

C’était inattendu, et ce résultat déplaisait à beaucoup. Non en raison du décès d’Eylindas, qui serait peu regretté sauf pour ses talents, mais à cause de la réussite meurtrière du candidat. Dalamar réalisa avec une pointe d’étonnement qu’il n’était pas si surpris. Certes, le nouveau Mage Rouge était sans doute le plus jeune des candidats à avoir jamais réussi l’Epreuve, mais ce mystérieux Raistlin lui avait toujours donné l’impression d’un potentiel plus grand que tous ceux des autres apprentis réunis. C’était bien la raison pour laquelle la plupart le redoutaient et avaient espéré sa défaite. Il venait simplement d’en faire la preuve une fois de plus. Qu’il ait vaincu Eylindas avait de quoi surprendre, mais l’elfe noir avait pu se montrer trop sûr de lui, dans son arrogance habituelle.

Alors que les apprentis se dispersaient en chuchotements et grognements, Dalamar resta sur place, poussé par son instinct qui lui soufflait que tout n’était pas fini. De toute façon, son programme pour le reste de la journée n’avait comporté qu’un cours avec Eylindas, qui de toute évidence n’aurait pas lieu. Les mages du Conclave observaient l’étranger, le guerrier nommé Caramon, s’occuper avec inquiétude de son frère inconscient. Ils semblaient s’attendre à moitié à ce que Raistlin se relève soudain tel un spectre pour les foudroyer tous. Par-Salian lui-même semblait gêné de se trouver si près de lui et fit un effort de volonté visible pour demander à un des mages n’ayant pas participé à l’Epreuve de soigner le corps torturé du jeune Raistlin.

Le Mage Rouge rabattit d’une main hésitante la capuche dissimulant le visage contusionné de Raistlin et recula comme s’il avait vu la mort elle-même. Dalamar tendit le cou et vit Par-Salian s’incliner pour prendre des mains de Caramon le linge humide avec lequel il tamponnait délicatement le bras brûlé de son frère. Par-Salian essuya la suie qui maculait le visage de Raistlin et Dalamar partagea son étonnement devant la teinté dorée indélébile qui marquait désormais la peau du jeune mage inconscient. Les Mages murmurèrent en pleine confusion sur l’interprétation à donner à ce phénomène, qui ne s’était encore jamais produit. De plus, la chevelure de Raistlin était passée du brun au blanc durant l’Epreuve, lui conférant une apparence de créature d’un autre monde. Par-Salian secoua la tête sans pouvoir répondre aux questions pressantes de Caramon sur l’état de son jumeau. Il n’avait aucune explication à sa métamorphose.

Fasciné, Dalamar jubilait, certain au plus profond de son âme d’assister à un tournant de l’histoire de la Tour de Wayreth. Il aurait aimé être celui qui faisait douter Par-Salian lui-même. Silencieusement, il se fit la promesse qu’un jour les mages le craindraient, comme ils tremblaient à ce moment même devant le corps inconscient d’un jeune homme qui risquait pourtant de ne pas survivre à ses blessures. Mais il vivrait. Il était évident qu’il vivrait, même si les probabilités étaient contre lui. Son ambition était plus forte que la mort. Comme celle de Dalamar lui-même.

Fin du commencement