Régulièrement, j’essaie de désencombrer mon appartement parisien surchargé. Cette fois, j’ai exhumé les 14 tomes de Family Compo de leur 3e rangée d’étagère en me disant que je ne les avais pas relus depuis longtemps, et qu’ils faisaient un bon candidat à la revente (14 tomes d’un coup, ça en fait de la place). J’ai ouvert le premier tome pour évaluer si ça me manquerait ou pas. 14 tomes de relecture plus tard, je les ai remis à leur place : ce n’est peut-être pas un chef d’œuvre, mais c’est très joliment dessiné, et comme lecture feel good en temps de crise comme en ce moment, ça fait le boulot. L’histoire est un mélange réussi un tiers humour, un tiers fan service (que même en tant que membre de la gent féminine, je ne désapprouve pas : il y a aussi quelques beaux mecs) et un tiers message optimiste d’affirmation de sa différence (pas que pour les minorités sexuelles).

L’histoire
Déjà orphelin de mère depuis tout petit, Masahiko vient de perdre son père juste avant de rentrer à l’université. Le voilà contraint de troquer ses projets d’études contre l’obligation de trouver du travail pour subvenir à ses besoins. Mais sa tante Yukari Wakanae, qu’il n’avait jamais rencontré, toque à sa porte et propose de l’héberger. Surpris, Masahiko refuse d’abord : il se souvient vaguement que sa mère avait un jeune frère, avec qui elle avait rompu les ponts, et qui serait donc le mari de Yukari. Pourquoi cette rupture ? Mystère, mais cela inquiète Masahiko. Serait-ce une famille de yakuza ?
En essayant de retrouver la maison de la famille, il tombe sur Shion, une jolie jeune fille au tempérament bien trempé… Qui s’avère être sa cousine, la fille du couple. Il rencontre donc son oncle Sora Wakanae, dessinateur de manga, et reste à dîner. La famille l’accueille tellement chaleureusement que Masahiko, dont le père était souvent retenu par son travail, fond à l’idée de revivre enfin dans un cocon familial, et accepte de séjourner chez eux quelque temps. Mais à cause de Shion, il ne met pas longtemps à découvrir le pot-aux-roses : si les Wakanae semblent être la famille idéale, c’est à un léger détail près : Yukari est en fait le frère de la mère de Masahiko, et Sora est la mère de Shion… Mais les 2 ont échangé leur identité il y a bien longtemps, vivant travestis.
Quant à Shion, peut-être à cause de cela, elle a grandi en pensant qu’on pouvait choisir d’être fille ou garçon, et a alterné durant son enfance. Et toutes les assistantes de maître Sora s’avèrent avoir été initialement des hommes. D’abord choqué, Masahiko décide de rester, essentiellement parce qu’il n’a pas envie de faire de la peine à Yukari en rejetant sa proposition.

Bien que le thème principal soit donc l’identité sexuelle et ses différentes variantes, ce manga ne plaira sans doute pas aux plus « woke » des lecteurs. Déjà, il date de 1999, avant que les USA n’aient envahi le monde de leurs conceptions issues d’une société où les problématiques de sexe sont loin d’être celles du reste du monde (un pays où c’est un problème pour une petite fille de porter les cheveux courts parce que ce n’est pas féminin…).
Ensuite, Tsukasa Hojo, plus connu en tant qu’auteur de City Hunter et Cats’ Eyes, signe ici un manga essentiellement comique. Certes, il le fait gentiment : les Wakanae sont vraiment une famille idéale, on les aime instantanément, et on s’attache à tous les personnages, des assistantes loufoques au chef mafieux, monsieur Tatsumi. Mais ce n’est en rien une étude de genres (ah ah, jeu de mots). Hojo n’a pas passé un doctorat en sociologie avant de l’écrire (ce qui semble être un pré-requis pour ne pas se faire insulter quand on aborde le sujet). Il semble que sa seule documentation ait été une visite dans un bar gay pour découvrir l’ambiance. Il confond allègrement transgenre, travesti et autres variations de l’identité sexuelle – peut-être que la langue japonaise manquait aussi de mots en 1999 pour nuancer le propos. Et pourtant au final, il a reçu des témoignages de lecteurs se retrouvant dans les conflits de ses personnages, comme un homme marié et père de famille qui se travestit mais doit cacher sa double vie à son épouse.
Au fil des tomes, Masahiko verra son oncle Sora affronter les préjugés de son père. Il nouera aussi une relation avec Yoko, une ex-camarade de lycée, qui se demande s’il est réellement attiré par elle.

Le plus gênant et daté (ou hélas trop fréquent dans les mangas), pour moi, c’est le traitement parfois léger du consentement, à tous les étages. Déjà, Masahiko est forcé par le club de cinéma de sa fac à se travestir en fille pour jouer dans leurs films. Un peu trop poire, Masahiko se retrouve régulièrement embringué dans ce genre de marché de dupes. Il est tellement « mignonne » à l’écran que ça déclenche une foule de quiproquos et de coups de foudre, le plus important étant monsieur Tatsumi, un chef yakuza, qui s’entiche de Masami, le nom donné à Masahiko comme « actrice ». Apprenant la vérité, il essaiera plusieurs stratagèmes pour amener Masahiko à révéler son côté féminin (inexistant), dans l’espoir qu’il devienne un jour une vraie femme.
Curieusement, d’ailleurs, la vertu des personnages féminins est mieux préservée que celle des personnages masculins- dont plusieurs sont des pervers, mais pas forcément ceux qu’on pourrait croire au début. 2 ou 3 fois, des hommes qui avaient prévu d’abuser de filles (en les soûlant, généralement) se retrouvent pris à leur propre piège par des travestis et/ou transsexuels… Et c’est traité à la blague. Mais c’est très moyen.
Si ce que vous cherchez, ce n’est pas un pamphlet en ligne avec le parti, mais un manga drôle, émouvant, bien dessiné, avec une galerie de personnages hauts en couleurs et sortant de l’ordinaire, alors jetez-y un oeil. J’y ai re-découvert le talent de Tsukasa Hojo pour créer des personnages foncièrement humains et attachants. Ce qui devient rare dans mes lectures plus récentes.
Je ne connaissais pas mais le dessin a l’air si joli !
Oui c’est très bien dessiné, ol a essayé d’être encore plus réaliste que ses mangas précédents. Mais toujours avec plein de jolies filles, sauf qu’ici certaines sont en fait des mecs 😁 Et quelques beaux mecs (même si les 2 mâles principaux, l’oncle Sora et le yakuza Tatsumi, ressemblent tous les deux beaucoup à Ryo Saeba… Y en a c’est Ryo avec les cheveux longs, et l’autre c’est Ryo avec une barbe de 3 jours et quelques cicatrices).
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