GIFT au Tokyo Dome – de et avec Yuzuru Hanyu

Pour la première fois en 35 ans d’existence, le Tokyo Dome s’est équipé d’une patinoire de taille olympique pour un spectacle de patinage artistique. Solo. Du double médaillé d’or olympique japonais, Yuzuru Hanyu. Derrière la patinoire, un gigantesque écran formant une pente, flanqué de 2 mains gigantesques tendues au dessus de 2 livres ouverts. Sur celui de gauche, le Tokyo Philharmonic Orchestra, pour interpréter les morceaux classiques. Sur celui de droite, des musiciens de rock, le « Gift band » formé pour l’occasion. Autour de la scène, des blocs divers qui s’allumeront par moments quand les danseuses de la formation ElevenPlay vêtues de blanc bougeront dessus sur la chorégraphie de Mikiko (la directrice artistique de Perfume et de Babymetal, entre autres, qui connaît bien la salle).

Les 35 000 places, autour de 200 Euro, se sont arrachées via des loteries. Plus de 80 salles de cinéma à travers le Japon plus Taiwan et Hong Kong retransmettaient le spectacle en direct. Ainsi que Disney + au Japon. Et Globecoding dans le reste du monde (hors Chine continentale), pour un peu moins de 30 Eur, grâce à qui j’ai pu suivre cette étonnant spectacle. Pas déconnant vus les moyens, la rareté et la durée annoncée (2h30).

Yuzuru est arrivé sur la musique de l’Oiseau de Feu de Tchaïkovski (un de ses 1ers programmes), un nouveau costume créé par Satomi Ito pour aller avec, et une vidéo de Phoenix en fond (avec des flammes autour de la patinoire). Mais cette ouverture grandiose a cédé la place à une narration introspective, de sa voix en mode ASMR, habillée d’effets sonores ou de musique suivant les moments. Heureusement sous-titré en anglais sur le streaming de Globecoding, le narratif a servi de fil conducteur aux 12 programmes qu’il a patinés, changeant de costume à chaque fois. Une histoire sous couvert de métaphores poétiques, pas si énigmatique quand on connaît sa biographie, mais où le style et la mise en scène permettent de transcender le personnel pour viser à l’universel.

L’un de ses 2 nouveaux programmes avait pour musique « One summer’s day » de Joe Hisaishi, tiré de la bande originale du Voyage de Chihiro. Il y évolue en costume blanc onirique aux reflets argentés, probablement référence à Haku, le dragon esprit de la rivière.

Avant un entracte de 40mn pour resurfacer la patinoire, Yuzuru s’offre en guise de thérapie collective une re-création, avec même l’échauffement réglementaire de 6 mn et les annonces par haut-parleur, du programme court où il avait chuté aux Jeux Olympiques de Beijing, Rondo Capriccioso. Alors qu’à ce stade et contrairement aux JO, il a déjà 3 programmes et demi dans les pattes (Firebird, Hope and Legacy, One Summer’s Day et Chopin), il réussit cette fois à passer le quadruple Salchow qu’un trou dans la glace l’avait empêché de déployer en compétition, et à dérouler le reste du programme sans chute, avec juste un sauvetage in extremis sur un saut combiné. Une manière d’exorciser ce mauvais souvenir, sous les yeux de son public.

Après l’entracte, il revient avec un numéro qui avait été conçu pour distraire les spectateurs à distance durant les quelques compétitions (sans public pour la plupart) de la période de pandémie, sur le titre bien nommé de Robbie Williams, « Let me entertain you ». Si vous ne devez en regarder qu’un pour vous faire une idée à la fois des performances athlétiques de Yuzuru et de son sens musical, sans rien connaître au patinage, c’est celui-là (Pour les experts, il y en a d’autres, mais LMEY me paraît le plus abordable tant il est ludique). Cf. ici dans sa version 2021.

Il nous offre dans la foulée un autre programme rock, nouveau, sur un titre de Ashura-chan. Jouant à fond son côté rock star et fan service.

Retour à l’introspection ensuite avec Phantom of the Opera, peut-être pour un autre exorcisme (c’était à l’échauffement pour ce programme qu’il avait subi une collision par un autre patineur à la Cup of China en 2014) mais plus probablement parce que le thème du masque se prêtait au texte. Suivi du programme créé pour son spectacle précédent Prologue, A Fleeting Dream.

La narration se termine sur Notte Stellata, un ancien programme sur la musique du Cygne de Camille Saint-Saëns, en symétrie avec l’introduction sur une autre allégorie d’oiseau qui prend son envol. Là où le Phénix de l’ouverture apparaissait dans un déluge de feu, écho au soleil levant et à l’origine du monde et de la vie, le cygne qui s’élève irradie une lumière bleue apaisante. A l’instar des « flammes bleues » qui donnent leur titre à l’autobiographie du patineur (dont les bénéfices vont à la reconstruction de la région sinistrée par le tremblement de terre de 2011). Un symbole fortement présent dans la communication de Yuzuru, car le premier kanji de son nom de famille signifie plume ou aile suivant le contexte.

Après avoir salué et présenté ses équipes, Yuzuru revient pour un rappel olympique : Haru Yo Koi, son programme de gala de Beijing, ode au retour du printemps, et le final (dont la step séquence homérique et la pirouette) du programme libre qui lui avait permis de décrocher sa 2e médaille d’or olympique, le noble Seimei.

Non parce qu’à ce stade, il a dans les pattes plus de 40mn de patinage, dont 7 quadruple sauts, 17 triples, 16 pirouettes et j’en passe, alors tenter les quadruple sauts de Seimei, ce serait un peu too much (et surtout inutilement dangereux). Mais même s’il apparaît aussi heureux qu’épuisé et à bout de souffle, il trouve encore l’énergie de clamer son amour du patinage et de le prouver avec un dernier tour de piste à toute vitesse.

Au final, un spectacle complet, musical et visuel, cérébral et athlétique. Surprenant OVNI qui ne laisse pas indifférent.

Gift, le spectacle sur glace de Yuzuru Hanyu au Tokyo Dome, à voir en streaming mondial

J’étais déçue de ne pas avoir pu obtenir de billet pour voir Gift, le spectacle solo de Yuzuru Hanyu qui aura lieu dimanche prochain (26 février) au Tokyo Dome (à Tokyo donc, énorme salle pouvant accueillir jusqu’à 55 000 personnes, j’ai un DVD de Babymetal jouant dedans et… c’est énorme), parce que les billets se sont arrachés comme des petits pains. Il s’est associé pour ce spectacle à MIKIKO, la chorégraphe et directrice artistique de Perfume et de Babymetal, entre autres. Ce qui, avec ce qu’on a déjà vu de Yuzuru lors de son premier spectacle solo cet hiver, Prologue (c’était diffusé sur une chaîne japonaise et on s’arrange entre fans…), garantit du grand spectacle.

Comme Yuzuru est gentil (et businessman avisé, accessoirement), et qu’il veut que son patinage puisse être vu par un maximum de gens, et que les sponsors et diffuseurs ont bien noté qu’il y avait de la demande, il a réussi à négocier :

  • une diffusion dans plus de 80 salles de cinémas au Japon, plus quelques une à Taiwan et Hong Kong
  • une diffusion sur Disney Plus Japon (seulement. Eventuellement accessible en VPN en rusant un peu, mais ce ne sera pas la peine, car il a été annoncé hier: )
  • une diffusion en streaming mondial (hors Chine, Corée et Japon) sur le site Global Coding.

Pour bénéficier de ce dernier, il faut tout d’abord se créer un compte sur la plate-forme de billetterie KKTIX. Pas de panique, ils ont une interface en anglais (à peu près).

Et ensuite attendre le 24 février l’ouverture des billets à la vente. Au moins, la vente de ceux-là ne sera pas limitée. Le prix n’est pas encore connu, l’événement n’est pas encore disponible dans l’interface. Les billets (et la vidéo) seront disponibles jusqu’au 1er mars 21h, heure japonaise (11h du matin chez nous), soit après le spectacle lui-même, mais attention, pas très longtemps donc.

Tant que je suis là, j’en profite pour vous indiquer que 2 semaines plus tard, un autre spectacle « de et avec » Yuzuru Hanyu aura lieu dans sa ville natale à Sendai, Notte Stellata. Il sera accompagné dans celui-ci de plusieurs patineurs de renom :

Toi aussi apprend le japonais avec Yuzu
  • Jason Brown, l’Américain qui a participé aux JO d’hiver de Sochi et Beijing, et s’est entraîné comme Yuzuru au Toronto Cricket Club avec Brian Orser et Tracy Wilson
  • Shae-Lynn Bourne-Turok (qui a été sa chorégraphe pour plusieurs programmes dont Seimei avec lequel il a gagné sa 2e médaille d’or olympique, et les 2 programmes qu’il a présenté en compétition à ses 3e JO),
  • Satoko Miyahara,
  • Akiko Suzuki,
  • Keiji Tanaka, avec qui il a longtemps été en compétition depuis tout jeune
  • Takahito Mura, un autre de ses camarades de podium
  • Rika Hongo,
  • L’artiste de Hulla Hoop sur glace Violetta Afanasieva
  • Et en invité hors patinage, l’autre double champion olympique du Japon, de gymnastique lui : Kohei Uchimura

Ce spectacle là évoquera en particulier la catastrophe du grand tremblement de terre du Tohoku de 2011, après lequel, l’électricité ayant été coupée à Sendai, Yuzuru a vu dans le ciel nocture les étoiles briller davantage qu’à l’accoutumée, et a pensé qu’on pouvait tous essayer d’être une lumière pour les autres.

Pour l’instant, pas de streaming mondial annoncé, mais on ne sait jamais : suivez le site et/ou le compte twitter officiel. La chaîne de câble Hulu diffusera le spectacle au Japon (impossible de s’inscrire, même en VPN).