Un voyage en train m’a enfin fourni le temps de lire ce document paru en février dernier aux éditions
Le Rouergue, collection La Brune. Je l’ai découvert par hasard en musardant à la belle
librairie MK2 du bassin de la Villette (de l’intérêt des vraies librairies IRL, qui ne mettent pas que les Marc Lévy en présentoir. Je n’ai rien contre Marc Lévy, mais quand il sort un livre, on le sait).
Le thème, forcément, a capté mon attention. Et le feuilleter m’a convaincu de l’acheter.
Fanny Capel, l’auteur, est professeur de lettres, mariée, installée… Impossible a priori de deviner son autre vie, les 25 ans passés à suivre l’actualité de Prince. En particulier les quelques années de passion adolescente qui l’ont emmenée, elle et ses 2 meilleures amies, âgées de 20 ans alors, au club mythique du Love Symbol à Minneapolis, le Glam Slam Club. Ce qui, en août 1994, pour des jeunes filles tout juste sorties de l’adolescence et sans Internet, relevait encore plus de l’exploit que de nos jours. Un voyage qu’elle raconte en fin de livre, l’apogée de sa vie de fan. De sa vie tout court ? Elle se pose la question.

Ne trouvant – comme moi * – aucun récit de ce que ça représente d’être fan, en dehors de caricatures tournées en dérision, elle voulait en témoigner de l’intérieur. Elle avait commencé à rédiger en ce sens ces « chroniques des années pourpre », il y a 3 ans, alors qu’elle sentait les souvenirs s’estomper. La mort de Prince en avril 2016 a complété le récit, y apportant à la fois une conclusion et l’éclairage d’une nouvelle vie « sans ».

Fanny Capel ne voulait pas parler que de son expérience, mais plus universellement du statut de fan. Elle a complété ses souvenirs et ses notes de l’époque de témoignages de ses semblables. Faute de notes, j’ai photographié plein de passages où je me suis reconnue, ou bien où j’ai reconnu amies et connaissances de fandoms. Les voyages, les péripéties, les délires en groupe incompréhensibles aux « autres », les rituels de file d’attente des concerts… Cet univers parallèle qui embellit et enrichit toujours notre quotidien quand on entend une chanson familière, qu’on tombe au détour d’un zapping sur le visage qui nous fait sourire…
La rencontre tant espérée qui tourne au souvenir cuisant parce que dans des circonstances imprévues et défavorables, comme celle racontée page 73… (big up, inconnue de la Fnac qui s’était habillée relâche pour ne voir « que » les Revolution au lendemain d’un concert, le cheveu et l’oeil en vrac, et s’est retrouvée dans cet état face à un Prince venu dédicacer avec ses sbires… moi aussi, plusieurs fois j’ai croisé mes chouchous alors que j’étais en mode « off ».)
Sur d’autres points, par contre, je me sentais en dissonance, moi la fan infidèle par excellence, en lisant ces souvenirs de presque 30 ans d’admiration ininterrompue.
L’artiste dont je suis « fan » depuis le plus longtemps sans interruption était mort avant que je ne découvre son existence. Difficile de faire des folies dans ces circonstances, et peu d’actualité à suivre. Et je n’ai cédé aux sirènes du portnawak (et eu les moyens de le faire) du type « je saute dans l’avion pour voir des gens qui ignorent que j’existe » qu’adulte. Ca n’a pas la même intensité qu’à 15-18 ans.
Quoique, quand je pense à certaines de mes copines qui ont attendu encore plus longtemps que moi pour réaliser leur rêve, et à leurs réactions quand elles ont réussi… peut-être pas tant que ça. Peut-être que le facteur discriminant est seulement mon côté girouette, qui fait qu’ayant connu l’hystérie fanesque pour plus d’un groupe ou d’un artiste, j’ai du mal à ne pas relativiser les émotions qu’ils procurent. Surtout quand le premier fandom pour lequel j’ai fait les 400 coups a tourné en eau de boudin.
Ou juste le fait que je sois trop cynique, trop méfiante, trop parano, trop allergique à l’embrigadement pour hystériser devant un être humain. Même si j’ai buggé devant le minois de princesse égyptienne de Bill Kaulitz en 2009 parce qu’il était beaucoup trop belle pour être humain.
Oui j’ai encore les larmes aux yeux quand j’entends une version live de
An Deiner Seite (ich bin da), mais je sais que c’est « juste » une conjonction : parce que c’était eux, parce que c’était moi, parce que c’était ce que mon cerveau avait besoin d’entendre à l’époque. Et pas une exception intrinsèque dûe à l’epoustouflifiance du phénomène ou des personnes.
Et puis si, oui, certains souvenirs se renforcent parce qu’on les partage, je suis trop indépendante, -trop asociale-, trop habituée à ne pas attendre de complice. Sinon on ne fait jamais rien ou pas la moitié de ce qu’on voudrait… Donc une partie de mes souvenirs de fans, je les ai bâtis seule, ou avec des fans rencontrés sur place, pas forcément revus ensuite. Fanny Capel parle beaucoup de ses 2 complices de l’époque, qui ont partagé quasiment tous ses délires.
Mais en fin de livre, elle souligne que, maintenant que chacune a fait sa vie où Prince, par la force des choses, n’occupe plus que la portion congrue avant même son décès, elles se revoient très occasionnellement pour prendre des nouvelles, mais la réalité actuelle lui semble bien terne en comparaison de ses « années pourpres ».
Mais quand même, ce que raconte Fanny Capel dans une plume lyrique, qu’on ait été team Michael ou team Prince, ça rappelle des souvenirs.
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