C’est un nom étrange que j’ai croisé à plusieurs reprises dans des musées et des expositions, dont au moins deux fois en 2014. En avril au musée Galliera pour l’exposition Papier Glacé : Condé Nast, parmi les photos réalisées pour les magazines du consortium éditeur de Vogue, il y avait également des tenues issues des collections du musée – dédié à l’histoire de la mode. Parmi eux, un étonnant couvre-chef de plumes noires, dont la légende indiquait « Porté par Cléo de Mérode à 16 ans ». Vu l’extravagance de la coiffe, l’époque et l’âge indiqué, je me doutais qu’au contraire des autres tenues, il ne devait pas s’agir d’un accessoire de gala de la noblesse, en dépit du nom à particule.
Peu de temps après, l’exposition Paris 1900 (chroniquée sur ce blog) apporta un début de réponse à mes questions avant que je n’ai eu le temps de creuser. Dans la salle consacrée au Paris de la nuit, figuraient plusieurs photos de Cléo de Mérode, ainsi qu’une belle statue de nu sculptée par Falguière, dont le visage est celui de la danseuse. A l’époque, la statue fit scandale, car on pensa que le corps également avait été moulé d’après nature, à une époque où seules les « femmes de mauvaise vie » posaient nues. Les dénégations énergiques de Cléo de Mérode n’y changèrent rien.
Cette fois, ma curiosité m’incita à me renseigner après l’exposition. C’est là que j’adresse mes remerciements à la personne qui a inventé les bibliothèques municipales, et au personnel de celles de Paris. Car je ne sais pas si j’aurais facilement trouvé ailleurs l’autobiographie de Cléo de Mérode, « Le ballet de ma vie », parue en 1959 et dont la dernière édition date de 1985. Ca date. L’écriture aussi, d’ailleurs, ce qui lui confère le charme suranné d’une époque où l’on aimait les belles lettres. Mais certains aspects sont étonnamment actuels, ou plus exactement, il peut être surprenant de découvrir que notre époque des médias rois n’a rien inventé. Christian Corvisier, dans son livre « Cléo de Mérode et la photographie : La première icône moderne », met en avant la situation de celle-ci comme étant l’une des premières à avoir utilisé son image, et l’invention toute récente de la photographie, pour décupler son succès.