J’ai planifié cet article la veille du décès d’Alan Rickman. Ca en devient un hommage maladroit, son personnage (savoureux) de Galaxy Quest étant sans doute l’un des premiers dans lequel je l’ai identifié. By Grabthar’s hammer, by the suns of Warvan, you shall be avenged!
Eric-Emmanuel Schmitt est parti d’un personnage de fan un peu similaire à celui d’Annie Wilkes en 2006 dans sa nouvelle « Odette Toulemonde », qu’il a également adaptée en film avec Catherine Frot et Albert Dupontel la même année. Mais l’histoire qu’il en a tirée est bien différente, à l’exact opposé même. Odette est une femme sans histoires bien que pas sans histoire : jeune veuve, deux grands enfants, cumulant deux emplois pour s’en sortir. Pourtant, elle n’est pas malheureuse, comme elle s’en explique dans une lettre à Balthazar Balsan, romancier et responsable involontaire de sa sérénité :
« Franchement, ma vie, avant de vous connaître, je la trouvais souvent moche, moche comme un après-midi à Charleroi quand le ciel est bas, moche comme une machine à laver qui vous lâche quand vous en avez besoin ; moche comme un lit vide. Régulièrement, la nuit, j’avais envie d’avaler des somnifères pour en finir. Puis un jour, je vous ai lu. C’est comme si on avait écarté les rideaux et laissé entrer la lumière. Par vos livres, vous montrez que, dans toute vie, même la plus misérable, il y a de quoi se réjouir, de quoi rire, de quoi aimer. Vous montrez que les petites personnes comme moi ont en réalité plus de mérite parce que la moindre chose leur coûte plus qu’aux autres. Grâce à vous, j’ai appris à me respecter. »

Or, au moment où Odette réussit à lui transmettre sa lettre lors d’une séance de dédicaces, Balthazar vient d’essuyer une critique assassine qui a déchaîné sur lui une curée médiatique. Laquelle a ravivé ses doutes sur son propre talent et la fausseté de son existence, et l’a plongé dans la dépression. La lecture de la lettre d’Odette en plein gouffre lui apporte le réconfort que, quoiqu’en pensent les critiques, son œuvre donne du bonheur aux gens et n’est donc pas inutile. Même si, juste avant de lire la lettre, il se lamentait sur le mauvais goût kitsch du papier à lettre utilisé.
« Décidément, Olaf Pims avait raison : écrivain pour les caissières et les coiffeuses, il n’avait que les fans qu’il méritait! »
Elle lui prouve aussi qu’on peut trouver le bonheur dans une vie modeste, alors que lui qui a réussi suivant les critères communs (argent, gloire, femme belle et intelligente) se sent profondément insatisfait. Il part donc à la recherche d’Odette pour qu’elle lui apprenne à être heureux. Un renversement de rôles dont rêvent sans doute nombre d’admirateurs : rendre à son idole le bonheur qu’on lui doit, lui être aussi indispensable qu’il nous l’est, et accessoirement partager sa vie quelques heures! Un bel hommage aux fans.
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