A la base, j’étais allée voir la Reine des Neiges (le premier film) parce que les graphismes promotionnels me plaisaient. J’aime bien Disney mais sans excès (si ce n’est que depuis, ils ont racheté peu ou prou toutes les franchises de mon adolescence, avec des résultats divers). Je ne m’attendais pas à en ressortir autant emballée et bouleversée. C’est qu’au fil des années, il devient difficile d’être surpris ou autant enthousiaste que quand on est enfant ou adolescent.
Elsa est entrée avec fracas dans le top 10 de mes personnages préférés toutes catégories confondues, pour plusieurs raisons :
- les références nordiques me rappelaient de récents voyages en Norvège et en Suède (avant que ces souvenirs ne soient un peu ternis par la débâcle A-ha…), ainsi que de plus lointains souvenirs de fiction (les guerriers divins d’Asgard, entre autres).
- les chansons sont hyper cathartiques à chanter (un jour, je ferai un pot de départ en mettant Let It Go en musique de fond…).
- j’adore les personnages dotés de pouvoirs surpuissants, et Frozen est, en quelque sorte, la meilleure adaptation à l’écran de l’histoire du Dark Phoenix des X-Men, mais en version glace et princesse Disney. Pardon, la seule reine Disney qui soit une héroïne.
- ce n’est pas un hasard si je parle des X-men : le thème principal du film, c’est la différence, dont les mutants étaient une métaphore et Elsa une autre. Ce qui en a fait une icône gay, alors que n’importe qui ne se sentant pas comme les autres peut se reconnaître dans son personnage. Même si, malheureusement, je ne peux pas tuer des gens avec des icebergs. Juste les assassiner verbalement.
- l’histoire faisait plein d’échos à celle de ma Mary Sue préférée (vocabulaire de fandom : une Mary Sue est un personnage fictif qui représente l’auteur, inséré dans des fan-fictions. Terme généralement péjoratif car le « cas » qui lui a donné son nom était un personnage pas intéressant, présenté comme parfait et devenant grosso modo sans raison le personnage central de l’univers, celui de Star Trek en l’occurrence. Personnellement, j’utilise ce terme pour tous les « moi fantasmé » qu’on peut s’inventer, que l’on rédige leurs aventures ou qu’elles restent dans nos têtes).
- le film m’avait même donné l’envie de recommencer à écrire une fan-fiction, mais je n’ai pas eu le temps.

Or doncques, après avoir soûlé tous mes proches et mes voisins à chanter Let it Go pendant 6 ans, y compris à pleins poumons lors du light show de Disneyland sous le regard perplexe d’une gamine, m’être tartiné Cendrillon le film en salles rien que pour voir le court métrage Frozen qui le précédait, et avoir suivi la montée de la hype de la suite via les extraits diffusés sur le compte Twitter officiel du 2e film, je ne pouvais manquer d’aller voir la suite des aventures d’Elsa et de sa frangine Anna. Non sans craindre une déception.
Que nenni ! La suite a frappé aussi fort que l’original, en allant un peu plus loin dans les thématiques initiales d’acceptation de sa différence et de développement personnel. Et en intégrant de nouveaux thèmes qui me parlent particulièrement en ce moment :
- le temps qui passe sans qu’on ne puisse le retenir
- le deuil
- la recherche des origines

Le pitch : Elsa est reine depuis 3 ans et quelques mois (on est passé de l’été à l’automne). La vie se déroule paisiblement dans une Arendelle ouverte sur le monde. Depuis quelques temps, Elsa entend une voix mystérieuse qui l’appelle, semblant venir du nord. Elle craint aussi la montée en puissance de ses pouvoirs de glace. Anna lui rappelle une histoire que leurs parents leur avaient raconté : leur grand-père, le père du roi Agnarr, avait fait construire un barrage loin au nord du royaume en cadeau pour les Northuldra, la population locale, connue pour ses liens avec la nature et les 4 esprits élémentaires (air, feu, terre, eau). Mais au moment de signer le traité de paix, les Northuldra avaient attaqué la délégation. Agnar s’en était sorti sans savoir comment, alors que son père et une bonne partie de la délégation restaient introuvables, morts ou prisonniers du nord du pays, bloqué depuis lors par un brouillard magique infranchissable.
Lors d’une scène spectaculaire au son de la chanson Into the Unknown (Dans un autre monde, en VF), Elsa réveille les 4 esprits des éléments. Ils semblent ensuite attaquer Arendelle, et la population doit se réfugier sur les falaises. Elsa décide d’aller au nord chercher des réponses. Anna lui impose de l’accompagner (dans une scène très drôle où elle soutient que sans pouvoir, elle a déjà sauvé Elsa), avec Kristoff, Olaf et Sven…

J’ai particulièrement apprécié qu’ils étoffent les scènes d’enfance d’Elsa et Anna, pour retrouver leur complicité des jours heureux- elles sont trop choupinettes les frangines. J’aime aussi beaucoup les personnages de leurs parents. Même s’ils ont mal géré les pouvoirs d’Elsa faute de trop savoir comment l’en protéger, ils ont au moins fait ce qu’ils ont pu avec amour (et on comprend mieux avec ce parcours pourquoi ils n’ont pas été trop effrayés par ses dons).
Par contre, il m’a fallu voir des vidéos de fans sur Youtube pour comprendre enfin pourquoi ils avaient cru que ce serait une bonne idée de couper Elsa de tout contact après l’entrevue avec le roi des Trolls : étant habituée aux personnages surpuissants qui perdent le contrôle de leurs pouvoirs (Phoenix, la sorcière rouge, etc), pour moi c’était évident que quand le roi des Trolls a dit à Elsa « La peur sera ton ennemie », il parlait de sa peur à elle. Mais en fait les parents l’ont interprété comme le fait qu’elle serait menacée si la population apprenait qu’elle avait des pouvoirs. Au passage, les problèmes d’Elsa en saison 1 sont aussi une bonne métaphore des crises d’angoisse.
Les scènes coupées entre les deux futurs roi et reine (ci-dessous, qu’il me semble pourtant avoir vu au cinéma, mais qui ne figurent pas dans le DVD) nous en disent un peu plus sur eux, mais pas encore assez à mon goût.
Le film se situe en automne, symbolisé notamment par des momiji (érables au feuillage rougi par l’automne), visuel très japonais qui souligne bien le message du temps qui passe et de ce qu’on perd.
Le scénario s’éloigne du trope du royaume de conte de fées où tout le monde est beau et gentil. Le royaume nordique d’Arendelle devient un peu plus qu’un beau décor- même si apparemment sa population doit être équivalente en nombre à celle de Lancre, pour tenir grosso modo dans la petite bourgade qu’est la capitale… plus quelques bûcherons.
Kristoff a un rôle secondaire, en dehors d’un numéro de chant qui fait surtout rire les gens ayant connu les slows des années 80-90, mais quand il intervient, c’est pour confirmer qu’un tailleur de glace pragmatique vaut mieux qu’un prince charmant pour une princesse aussi active et déterminée qu’Anna.
Toutes les références à la rivière Ahtohallan, y compris dans la berceuse. Mais ça c’est perso.

Les nouveaux costumes (il y en a plein) sont très beaux, et, ô joie, les tenues de voyage des deux princesses sont pratiques. En plus d’être belles. Il y a enfin des gens intelligents aux manettes. D’autant que, les graphismes par ordinateur ayant fait d’énormes progrès, ce sont de vrais costume designers qui s’y attellent désormais, pour des tenues dont on « sent » le poids des tissus, lourds ou légers, les ourlets, la texture. Je ne suis pas très portée sur les cosplays, mais j’ai envie de collectionner toutes les tenues d’Elsa. Ci-dessous un article qui leur donne la parole.
Anna, Elsa and the Costume Designers Who Create Their Looks – The New York Times (nytimes.com)
Et bien évidemment, visuellement on en prend plein les yeux, et les chansons restent bien en tête. Into the Unknown bien sûr, mise en avant car sans doute révélant moins de choses que Show Yourself, qui vient plus tard dans l’histoire. Et la berceuse de leur mère Iduna. On a aussi droit à 2 nouvelles versions du chant polyphonique traditionnel Sami qui ouvrait le premier film, et, sous le nom de Northuldra, à un peu plus de connaissance de leur culture.
Avec mon oeil cynique, j’ai aussi remarqué que Disney avait tenu compte des critiques des SJW sur le premier film concernant son casting « trop blanc », en ajoutant le lieutenant Mathias. Son personnage est plutôt réussi, alors ça va, mais je n’ai pas pu m’empêcher de noter aussi que bon, ok, ajouter un noir à Arendelle avec un poste de gradé pour faire plaisir aux partisans des quotas, ils veulent bien, mais que par contre, ils lui ont collé une ébauche de liaison avec la seule autre non-blanche d’Arendelle. Parce que faut pas pousser mémé dans les orties, les relations inter-raciales aux USA ça a encore du mal à passer.
MÉGA
SPOILER
CI-DESSOUS
La cerise sur le gâteau, c’était le message de la chanson Show Yourself, malheureusement essentiellement perdu dans la VF. Elsa passe l’essentiel du film à courir après la mystérieuse voix qui pourrait lui révéler pourquoi elle a ses pouvoirs, espérant un peu qu’elle vienne de quelqu’un comme elle, comme elle le chante dans « Into the Unknown » : « or are you someone out there who’s a little bit like me, who knows deep down I’m not where I’m meant to be ». La différence, c’est toujours difficile, même quand on a trouvé des gens qui vous acceptent avec.
Au final, il s’avère que la voix est un écho de celle de sa mère quand celle-ci avait appelé à l’aide les esprits élémentaires (et notamment Gale, l’esprit du vent) pour sauver Agnarr lors de la bataille entre les soldats d’Arendelle et les Northuldra. Elle voit apparaître sa mère (comme le dit la berceuse d’Iduna au début, « Where the northwind meets the sea, there’s a mother full of memory« ) qui lui dit avec amour « Montre-toi, assume ton pouvoir. Évolue en quelque chose de nouveau. Tu es celle que tu as attendu toute ta vie ». Bref, pas la peine de chercher en quelqu’un d’autre l’absolution pour ta différence, assume toi. Surtout que bon, Elsa, ta différence elle est hypra cool, tu es l’élément qui fait la jonction entre les esprits et les humains, et tu es canon, tout le monde est tombé raide dingue de ton nouveau look cheveux détachés. Bisous.
De façon amusante, le début de la chanson décrit assez bien mon état d’esprit en regardant Frozen : l’impression de rentrer à la maison, en quelque sorte, et de retrouver une vieille amie que je ne connaissais pas avant le 1er film. C’est un peu l’effet qu’a Star Wars sur moi en général. Ça ne m’arrive plus si souvent, et c’est pour ça que j’ai autant accroché.
Bref : je n’ai pas fini de vous soûler avec ça. Et j’aimerais bien une prequel sur les parents, même s’il semble, d’après les références en ligne sur les romans autour du film, que l’histoire officielle développée est qu’Iduna n’avait pas révélé à Agnarr qu’elle était une Northuldra, ni que c’était elle qui l’avait sauvé. Ce que je trouve étrange, parce que dans le film, quand Agnarr commence à parler de la Forêt Enchantée, ils échangent un regard comme si cela les concernait au premier chef tous les deux. Et accessoirement parce que vu qu’il semble y avoir 300 habitants à Arendelle, difficile de cacher ça.