« Ils travaillent tout comme les castors ni avec leur mains ni avec leurs… pieds »
Les Playboys – Jacques Dutronc
Description
Ce spécimen se rencontre dans les fandoms composés à 90% ou plus de fans féminins. Il part du principe qu’être l’un des rares mâles présents dans le milieu suffit à le rendre important. Et ce d’autant plus s’il s’agit d’un fandom de musique, car tout le monde sait que les femmes écoutent et jugent la musique avec les ovaires, alors que les hommes, eux, s’y connaissent (le gène de la science infuse en théorie musicale se trouvant sur le chromosome Y, coincé entre celui des compétences en mécanique et celui d’expert en football).

Vous croyez que j’exagère? Sur un forum dont j’étais l’administratrice, l’un d’eux, arrivé récemment, qui postait très peu, pas très bien, et admettait n’avoir que peu de temps à passer sur le forum, m’a demandé de le nommer modérateur du forum, « en tant que seul membre masculin ». Texto.
Je ne sais pas sur quels critères les autres forums choisissent leurs modérateurs, mais la possession ou pas d’un pénis n’entre pas en ligne de compte, ce n’est pas avec ça qu’on tape sur le clavier. Je privilégie 1) une disponibilité qui leur permette d’être utile, 2) la confiance que je leur fais sur la base de leurs interventions passée, et 3) un bon jugement des gens et des situations.
Or le spécimen ne possédait aucune des qualités pré-citées, et n’en faisait pas mystère. Il a présenté la chose comme si ses attributs étaient une raison suffisante pour obtenir son galon de modérateur, alors qu’il n’aurait pas eu le temps de tenir le rôle. Ce qui, en soi, est un excellent indice qu’il n’est pas fait pour ça : d’expérience, les pires modérateurs sont ceux qui ont demandé à l’être.

Dans le même genre, il y avait ce fan de James Marsters et habitué des conventions Buffy, qui estimait avoir droit à des privilèges dus à son statut de mâle. Par exemple, il exigeait de pouvoir poser plusieurs questions au Q&A, là où tous les autres n’avaient le droit qu’à une seule. Dans une file d’attente, convié à se déplacer par une jeune femme chargée de l’organisation pour ne pas bloquer les sorties de se secours, il lui a répondu que « ce n’était pas une nana qui allait lui donner des ordres ». Sic.
Certes, ce sont là des cas particuliers. Tous les fans masculins ne sont pas des cuistres, loin de là. Mais il semble que certains, plongés dans un environnement plutôt féminin, se sentent obligés d’en rajouter dans le machisme primaire. Peut-être pour prouver que ce n’est pas parce qu’ils aiment un groupe / une série plutôt suivi par des filles qu’ils sont moins masculins pour autant. Ou bien peut-être choisissent-ils d’être actifs dans ce réseau parce qu’ils peuvent y sortir du lot par le simple fait d’avoir un chromosome Y, faute de pouvoir se distinguer ailleurs par leurs qualités humaines.
Comme pour les BNFs, si ces comportements perdurent, c’est entre autres parce qu’il se trouve assez de gens qui les encouragent pour que cela donne des résultats. Dans ce cas précis, beaucoup de fans du genre féminin entourent d’attentions particulières tout spécimen mâle, qu’il soit ou pas pourvu de qualités propres. Quand il l’est, ça se comprend : les fans ne sont pas asexués, et un concert ou une convention est un lieu de rencontre comme un autre. Mais dans le cas du macho malpoli de mon 2e exemple, il y a de quoi se poser des questions.
Et quand j’ai parlé à des membres assidues de mon forum de la demande du 1er exemple, elles ont pris sa défense et conclu que j’avais un problème avec les mecs (enfin, celles qui, je l’ai su plus tard, communiquaient avec lui via MP hors forum. Ah ben oui mais moi tout ce que je connaissais de lui, c’était ses 3 posts sur le forum… Je ne lis pas dans les pensées). Non, j’ai un problème avec les gens qui demandent à être nommés à des responsabilités comme si c’était juste une médaille du mérite, alors qu’ils n’ont même pas l’intention de faire le travail qui va avec. J’ai aussi un problème avec les gens qui ne se définissent que par leur genre. Si tu ne te considères pas d’abord comme un être humain doté de tout un tas de caractéristiques, dont le genre, il y a des chances que tu traites les autres aussi uniquement sur la base de ce qu’ils ont dans le slip.

Il semble aussi que certaines femmes aient intégré le sous-entendu négatif qu’une fan compte moins qu’un fan pour la crédibilité d’un groupe, au point qu’elles se sentent valorisées par le fait que leur fandom compte aussi des hommes. En tout cas, un fan (de sexe masculin donc) aura plus de chances de pouvoir discuter d’égal à égal avec un musicien qu’une fan. La fan est toujours soupçonnée de pouvoir virer à l’érotomane hystérique, et de n’être là que pour le glamour. Elle ne sera généralement autorisée à s’approcher que si elle est jolie et que le musicien a besoin qu’on flatte son ego (ou une certaine partie de son anatomie). A moins qu’elle ait quelque crédibilité artistique de son côté – si elle fait elle-même partie d’un groupe ou joue d’un instrument. Busty, elle-même critique musicale, souligne bien le phénomène dans son livre « Groupies! ». Rien de plus qualifiant pour avoir droit au chapitre en coulisses que de maîtriser soi-même un symbole phallique par excellence : la guitare, le micro, à défaut le stylo.
Le pendant féminin du coq de basse-cour se rencontre dans les fandoms plutôt masculins comme les comics, ou les passe-temps comme les jeux de rôle ou les jeux vidéos – encore que le public de ceux-ci soit devenu largement plus mixte depuis une dizaine d’années. Pour citer une geekette interrogée dans le documentaire « Suck my geek »[1], « on peut être féminine et poutrer du zombie ». Cela leur vaut une certaine attention de la part des joueurs et fans mâles, et certaines en jouent – et voient d’un mauvais oeil l’arrivée d’une concurrente. Etant peu présente dans ce type de fandoms, j’ai du mal à estimer l’ampleur du phénomène.
Les poules de basse-cour se rencontrent aussi (voire plus) dans les fandoms féminins, d’après mon expérience, où il y a émulation des tendances girly. Mais dans ce cas, il n’y a plus cet aspect « je suis le seul représentant du sexe opposé dans le groupe et j’ai donc droit à un traitement spécial de ce fait ».

Archétype
Pas encore traité dans la fiction à ma connaissance.
Avantages
Met en valeur les fans civilisés.
Dangerosité
Tendance à se croire irrésistible, et peut-être même tout permis.
Phrase fétiche
« En tant que mec, … »
[1] Documentaire de Tristan Schulmann et Xavier Sayanoff sur la culture geek
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