Une pub japonaise sur une mère fan de kpop

L’avantage d’avoir encore une fois changé d’herbage fandomesque, c’est que ça m’expose à de nouveaux contenus à un moment où les médias et débats français m’exaspèrent davantage que d’habitude.

Et donc, dans le lot, cette pub nippone pour la compagnie du gaz a atterri sur mon fil Twitter : elle met en scène une mère de famille entre 2 âges qui devient fan d’un (authentique) groupe de pop coréenne, One US. Sous l’œil navré de sa fille ado, surtout quand elle tapisse sa chambre de posters et prépare des bannières de son préféré, Hwanwoong…

Mais c’est traité assez justement sur les différents effets au quotidien (se mettre à apprendre le coréen, les chorégraphies, changer de look, être prêt à voyager pour voir un concert…). Ca sent le vécu et ça parlera aux fans.

Fandom : ma fan-attitude suit une courbe de Gauss (4)

Suite et fin (comment ça, « enfin! » ?…) de mon itinéraire de fan gâtée. Enfin, côté musique et gens qui existent, en tout cas.

Episode 1.
Episode 2.
Episode 3.

4) Le creux de la vague

Certains artistes préfèrent laisser parler leur art, et des fois je suis d’accord avec eux : c’est souvent plus intéressant que le reste. Je me souviens en particulier d’un musicien avec qui mes 3 tentatives de conversation ont fini autour de l’alcool au bout de 2 phrases. La première fois, il m’a dit « Désolé, je ne peux pas parler français quand je suis bourré » au bout de 2 phrases (il aurait parlé en anglais, ça m’aurait convenu, mais les étrangers adooooorent les Françaises. Et puis j’étais habillée en punkette goth-rock en mini-short et bas résilles ce soir-là. Ca marche vachement mieux que le look BCBG ou normcore pour engager la conversation avec des musiciens, j’ai remarqué).

anim_jennifer lauwrence

La seconde fois, je lui demandais pourquoi il gardait ses lunettes noires en dédicace, il m’a répondu que c’était parce qu’il avait la gueule de bois.
Et la 3e, je l’ai questionné sur un de ses tatouages, et il m’a raconté une anecdote à base d’alcool dont j’ai oublié le détail, quelque chose comme « Je l’avais fait faire un jour où j’étais bourré il y a longtemps, et je suis allée le faire redessiner l’an dernier ».

… Je n’ai rien contre les gens qui boivent de l’alcool de façon récréative, comme on dit en anglais, mais quand ça en arrive à infiltrer (imbiber, plutôt…) toutes les conversations au bout de 2 phrases, c’est de l’alcoolisme, hein. Ou alors c’est qu’ils pensent que ça donne l’air cool de brandir leurs beuveries en étendard. La mentalité de lycéen « je suis trop un rebelz moi, tavu je suis un grand je bois! », ça passe encore quand tu as 20 piges, en tout cas c’est compréhensible, mais le mec en question en avait 30 et quelques. Passé 25 ans, je trouve ça plutôt pathétique personnellement, comme toutes les manifestations forcées de coolitude. D’ailleurs la dernière personne à m’avoir abordée par une phrase de ce genre, c’était un clodo qui avait l’air de ne pas avoir consommé que de l’alcool.

Du coup, ça avait mis fin à la conversation, parce que je ne voyais pas comment embrayer là-dessus. Et il n’a pas insisté (sauf la fois où j’étais en mini-short, mais perso après une remarque pareille j’ai juste envie de répondre « Ok, ben décuve bien alors, ciao »).

monsieur bourré

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Lecture : Big Fan, de Fabrice Colin

C’est un étrange roman en trois histoires parallèles que nous présente Fabrice Colin. D’abord, une biographie détaillée du groupe anglais Radiohead, émaillé de commentaires acerbes.

Sans intérêt. L’aspect commercial n’a jamais été un problème pour Radiohead. Seul l’aspect artistique importe. On croirait que tu parles de l’un de ces groupes indie stupides qui ne vivent que pour ne pas vendre de disques.

On devine assez vite que ceux-ci sont l’oeuvre de Bill Madlock, dont les lettres constituent la deuxième partie du roman. Il y décrit son quotidien depuis une prison, sans qu’on sache pourquoi il y est détenu. Il parle aussi d’une conspiration qu’il espère déjouer, d’un clone quantique et d’une imminente fin du monde. Le troisième récit en parallèle est celui de sa vie, jusqu’à ce qui l’a conduit en cellule. Au fil des pages, on découvre les théories alambiquées qu’il a construites autour de Radiohead et de son chanteur Thom Yorke.

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C’est là que la biographie du groupe est utile, pour les lecteurs qui, comme moi, ne sont pas des experts. Bill Madlock alias Gros Bill, c’est un fan de la variété la plus extrême, celui pour qui la musique devient le centre du monde, et l’artiste le sauveur du monde… à protéger à tout prix.

L’ensemble est assez prenant, même s’il parlera sans doute plus aux fans de Radiohead qu’aux béotiens. Un portrait intéressant de fan « extrême ».

Avec tout le respect que je lui dois, Bill Madlock ressemble au cinglé qui sommeille en moi : le fan que nous voudrions tous être et que nous avons probablement été, quelques semaines durant, aux alentours de nos quinze ans.

Big Fan, roman de Fabrice Colin, Editions Inculte, 2009

Lecture : Brioche, par Caroline Vié

Brioche, par Caroline Vié, Editions JC Lattès

Ce roman est l’histoire d’une journaliste cinéma qui s’entiche d’un acteur pourtant pas très séduisant. Ce qui aurait pu n’être qu’un béguin sans conséquence prend des proportions dramatiques, parce que la narratrice n’aime rien d’autre. Elle donne pourtant l’impression d’être comblée, mais son métier jugé passionnant par ses proches, choisi par paresse, est décrit comme une séance infinie de lèche-bottes répétitif.

p49
Les vedettes semblaient se satisfaire de cette adulation de piètre qualité. Personne ne leur expliquait que leur présence n’est pas indispensable et qu’un professionnel un peu aguerri pourrait aussi bien écrire l’article sans elles, en faisant de surcroît l’économie des deux heures de retard qu’elles lui ont collées dans la vue pour cause de « repoudrage » de nez intempestif. Personne ne dit tout cela car les rédacteurs en chef dissimulent souvent des âmes de midinettes dans des corps de catcheurs.

Côté vie personnelle, pour satisfaire sa famille, elle a épousé un homme sans défaut apparent, mais à qui elle n’est guère attachée. Un fils engendré dans le même souci des conventions sociales ne lui inspire pas plus de grands sentiments. Elle s’occupe des deux avec soin, mais sans plus.

Au fil des pages, elle décrit la lente distanciation d’avec le réel, jusqu’au geste de trop.

p199
J’avais besoin de me fixer en pensant que, comme mon père, la fixette serait suffisante pour me satisfaire et que je n’avais pas besoin de réciprocité.

p200
A force de me regarder le nombril, de me pencher jusqu’au vertige sur mes raisons et sentiments, j’ai fini par tomber. J’ai bien essayé de me raccrocher aux bords, mais j’ai glissé sur les parois.

Avec un pitch pareil, un dramaturge aurait écrit un croisement entre Shark et Misery. Amélie Nothomb, à qui on pense forcément quand il s’agit de portrait de psychotique, en aurait tiré un roman plus malsain. Caroline Vié a choisi de le traiter sous forme de chick litt’ (littérature pour fille, à la Bridget Jones). Un bonbon acidulé étalé sur 200 pages, un peu tiré à la ligne, amusant, avec quelques passages comme ceux cités où elle s’essaie à de l’analyse psychologique.

Le portrait est assez précis pour toucher juste. On se demande à quel point il est proche de la réalité (auquel cas son mari et son fils pourront le trouver dérangeant).

J’imagine la possible genèse de ce roman : un réel béguin un peu trop encombrant dont l’auteur essaierait de se libérer en le tournant en farce. Parce qu’une simple histoire d’amour à sens unique, dans ce contexte, paraîtrait trop indigne à la narratrice au premier degré.

p102
Trop médiocre pour être ta femme, trop orgueilleuse pour être ta fan.

Pour lui donner un peu plus de chien sans tourner au pathos, l’auteur y ajoute de l’intensité dramatique en forçant le trait. Et pour éviter de sombrer dans le cliché façon Liaison Fatale ou Misery, donc, elle dédramatise avec une écriture très journalistique, à coup de jeux de mots, de tournures de phrases.

L’inconvénient de l’écriture journalistique de ce style, c’est que, comme les humoristes qui se risquent à l’écriture de scénario, ce qui est percutant et drôle en sketch devient un peu longuet étiré sur 1h30.

Restent quelques passages qui parleront à ceux et celles qui sont passés par des émotions similaires, en des circonstances différentes.

p99
Pour bien des gens, la beauté absolue reste une notion abstraite, une image sur papier galcé. Une figure de cire du musée Grévin, une chose qu’on n’approchera jamais que par fantasme interposé. Beaucoup s’en contentent, posent pour la photo en serrant le mannequin de Naomi Campbell ou de Bruce Willis dans leurs bras, sans même penser qu’ils existent vraiment en version carnée. Ils ne les verront jamais. Ils ne pourront jamais se comparer à l’injustice de la réalité. Car elle est là l’injustice, celle contre laquelle on ne peut pas lutter. En croisant régulièrement Halle Berry, Charlize Theron ou Gong Li, je me torturais silencieusement en me demandant à laquelle il m’aurait fallu ressembler pour te donner faim.

p143
Au fil du temps, j’ai appris à ne plus attendre le facteur. A comprendre que, quand quelqu’un dit « je promets », ce n’est pas un mensonge. Les gens le pensent le temps de le dire puis oublient tout aussi aisément. Une forme d’énurésie verbale, l’envie de lire la reconnaissance dans les yeux de leur vis-à-vis. Comme si les choses étaient déjà faites une fois qu’on a juré.

En restent également de bonnes petites piques contre un métier plus glamour en apparence qu’en réalité.

p145
Tu t’es arrêté de parler. De quoi? Je ne m’en souviens pas. Je n’écoutais pas. On s’en fout. J’ai recopié l’interview de Gwyneth Paltrow en changeant le nom et le sexe et tout le monde n’y a vu que du feu.

J’avoue qu’à l’époque où je lisais beaucoup de magazines de cinéma, il m’est souvent venu à l’idée de créer un générateur aléatoire d’articles sur des acteurs / actrices… Ca ne devrait pas être compliqué, il suffirait de rentrer le nom et l’âge du sujet, et le générateur irait se connecter à l’Internet Movie Database pour compléter l’article avec des connexions avec les réalisateurs et films de sa carrière. Le reste serait un mélange de formules toutes faites sur « Il n’hésite pas à briser son image », etc…